Le soleil se lève doucement à l’horizon, pointant tout juste ses premiers rayons orangés du matin au-dessus de la lisière de la forêt. Un jeune homme, une vingtaine d’années maximum, court entre les arbres aux troncs épais. Une goutte de sueur coule le long de sa tempe, à côté de son oreille, au bord de sa joue et atteint enfin son menton. Sa respiration haletante se mêle aux différents chants des oiseaux qui, dans leurs nids, se réveillent. En courant, il marche sur une branche morte qui craque sous son pied. Dans sa main droite, un rouleau taché de boue. Les doigts crispés sur ce document qui représente, pour lui, une semaine de travail et le sacrifice des vies de deux de ses compagnons, ce jeune Shinobi éclaireur du village de la Brume court tout droit, sans ménager ses efforts, vers le point de rendez-vous. Ce lieu qui représente également son salut, où un de ses supérieurs, un Jûnin, récupérera son rapport et prendra sa suite dans cette mission de sauvetage, dont son intervention ne constituait que la première phase. Ce lieu où une équipe le prendra en charge, afin d’organiser son repli vers Kirigakure no Sato, son village, où il sera enfin en sécurité, pour la première fois depuis précisément six jours. C’est ça, tout se passera bien. Pas de problème. Plus qu’un kilomètre jusqu’au point d’extraction. Un kilomètre à cette vitesse, il y sera en trois minutes. Ses deux poursuivants – mais peut-être sont ils plus, à présent ? – n’auront pas le temps de le rattraper. Tout se passera bien. Comme prévu, il rendra son rapport au Jûnin qui assurera sa survie du même coup.
Ce Chunin, le plus faible membre d’une expédition d’éclairage en équipe à trois, se raccrochait à l’idée que son angoisse grandissante s’évanouirait sous peu, et se concentrait sur sa direction, qu’il ne devait surtout pas modifier, afin de ne pas penser à la scène de boucherie dont il avait été témoin quelques heures plus tôt. La mise à mort de son chef d’équipe, torturé sauvagement avant de succomber à ses blessures, et à laquelle il avait assisté, impuissant, enchaîné à un mur, l’avait profondément marqué. Il faisait connaissance avec la brutalité et la cruauté du monde ninja dès sa première mission sous son nouveau grade. Mais lui avait été sauvé grâce à l’ingéniosité et le courage de son deuxième compagnon de mission, un Jûnin qui, après avoir fait irruption dans la salle de torture et libéré le jeune homme, lui avait donné le rapport de leur mission d’éclairage et s’était sacrifié, seul face à cinq Nukenin, afin de permettre la fuite du dernier rescapé de leur groupe.
Il ne fallait pas que la mort de ses deux amis soit vaine. Il devait aller au bout. Il ne pouvait pas échouer. Pourtant… Le Chûnin jeta un rapide coup d’œil derrière lui. Erreur fatale. La vue de l’un de ses poursuivants derrière lui, à peine à cinq mètres, le vida de toute énergie, de toute détermination, de toute volonté, de tout courage. Des larmes lui montèrent aux yeux. Des larmes de rage. Si près du but, c’était idiot… Mais c’était fini… Il ne pourrait rien faire… Le jeune homme s’arrêta entre deux troncs et un buisson. Il tremblait de tous ses membres. Ses doigts relâchèrent leur étreinte sur le rapport. Il était fini. Aucun espoir de survivre, cette fois. Et la mission avait échoué...
Le poursuivant s’arrêta à son tour, juste devant le jeune homme qui s’était retourné. Avec un sourire démentiel de satisfaction sur le visage, il dégaina un des trois sabres à sa ceinture, lentement, comme avec délectation. Comme s’il profitait de la jouissance que lui procurait l’instant avant le meurtre. Dans un dernier geste d’impuissance, le condamné tenta de frapper son bourreau du poing. Le coup fut facilement arrêté. La lame s’éleva à la verticale. Le Chûnin, vaincu, eut quand même le courage de regarder la mort en face, malgré ses larmes.
Le buisson se mit à bouger. En une fraction de seconde, une ombre en jaillit et se jeta sur le Nukenin qui, surpris, n’eut pas l’idée d’abattre son épée sur la tête de sa victime. Les deux silhouettes tombèrent au sol, sans qu’on puisse distinguer quoi que ce soit de l’action. Cette aide soudaine se présentait sous la forme d’un grand loup au magnifique pelage noir, luisant à la lumière du soleil, qui, debout sur son adversaire qui avait lâché son katana, mordait sa chair violemment, l’arrachant à chaque coup de dent qu’il donnait, le tout accompagné de grognements menaçants et de cris de douleurs. Le Nukenin se débattait tant bien que mal, mais le loup avait pris soin de lui endommager en premier les pectoraux, afin de l’empêcher d’utiliser ses bras. Et la scène dura une bonne minute, le loup mutilant l’homme au point, finalement, de lui arracher d’un coup les cordes vocales et le larynx. Le déserteur mourut dans la douleur, seul, allongé sur le dos, abandonné même de son assassin.
(Kazeshoshi : Folow, espèce de sauvage !!! Tu aurais pu le tuer d’un coup… Ne jamais prendre du temps pour tuer, tu vois bien que c’est ce qui lui a coûté la vie…)
Kazeshoshi sauta nonchalamment le buisson et rejoignit le Chûnin, qui avait visiblement du mal à comprendre ce qui se passait. Après avoir adressé un regard amicalement sévère à Folow, il se tourna vers le jeune homme – plus vieux que lui, soit dit en passant – rescapé.
« T’as de la chance qu’on soit plusieurs au point d’extraction… Un Genin du village vient d’arriver en renfort, il m’aidera à mener à bien la deuxième partie de l’opération. Dès que je l’ai vu, je lui ai confié ma tâche et j’ai pris les devants pour venir te chercher. J’ ai bien fait, apparemment… Allez, viens, et garde le rapport sur toi si ça peut te rassurer. Par contre, grouille-toi, on pourra pas en combattre plusieurs tout en te protégeant. Le point d’extraction n’est qu’à 200 mètres, là-bas. »
Le Chûnin stoppa ses larmes à l’aide de ses mains, puis murmura un timide « merci » à ses sauveurs avant de les suivre.
A peine arrivé au point d’extraction, Kazeshoshi confia le Chûnin, étrangement intact physiquement, à deux Shinobis massifs, sûrement d’anciens gardes de quelque chose à Kiri, étant donné leur comportement plutôt réservé. Après avoir donné une petite tape sur l’épaule du rescapé, récupéré le rapport et l’avoir félicité pour la réussite in extremis de sa mission, il fit un signe de tête aux gardes qui n’en demandèrent pas plus pour se retirer, puis se tourna vers le Genin qui n’avait ouvert la bouche qu’une fois en sa présence, pour se présenter
« Bon, y’en a sûrement au moins un autre qui va arriver, peut-être plus. Comme tu l’as vu, ils ont mis ce Chunin dans un état déplorable et, à quelques secondes près, ils le tuaient. Ca me plaît de voir des bas gradés s’attaquer à des missions importantes comme celle-là, mais si c’est pour crever, c’est pas la peine. Donc, je vais te laisser te démerder seul avec le prochain Nukenin qui arrivera. Juste pour voir si t’es au niveau ou si je dois te renvoyer direct au village. Tiens, le voilà. »
En mettant ainsi la pression sur le Genin, Kazuo d’après l’ordre de mission qu’il avait reçu de sa part pour prouver son identité, Kazeshoshi sourit. Il ne le laisserait bien évidemment pas mourir, mais il aimait mettre ainsi les plus faibles au défi, afin d’essayer d’estimer leur potentiel. En voyant Kazuo se préparer au combat alors que son assaillant surgissait de derrière un arbre, le Jûnin sentit que ce Shinobi n’avait pas été envoyé en mission A pour rien… Encore plus intéressant.