A la recherche d'une nouvelle patrie.

Civil Nombre de messages : 43 Age : 32 Date d'inscription : 07/12/2007

Chihiko avait attendu l'arrêt de la tempête jusqu'à deux heures du matin. Puis, toute frissonnante d'être restée en Kimono à l'air vif du mauvais temps, elle s'était assoupie, jetée en travers d'un lit de feuilles mortes, les joues trempées de larmes. Depuis tant de temps à errer autour du village, elle suivait les allez et venue de l'homme, cachée dans les fourrées. Parfois, il partait tôt le matin, pour ne revenir que tard dans la nuit. Ce soir-là, pendant qu'elle guettait son retour, elle croyait l'avoir vu entrer dans une maison aux alentours du village, dont les dix fenêtres flambantes éclairaient la coulée noire du chemin extérieur; et, derrière lui, elle avait aperçu un grand loup à l'allure fière et puissante. Quand Chihiko s'éveilla, vers cinq heures, raidie, les reins brisés, elle éclata en sanglots. Elle avait du laisser l'homme qui l'avait sauvé repartir à ses obligations, et se trouvait seule depuis maintenant huit jours. Elle resta assise au bord du tas de feuilles, sous les lambeaux qui servaient de branches aux arbres. Et, lentement, les yeux voilés de larmes, elle faisait le tour du misérable trou dans lequel elle se trouvait, meublé de quelques buissons éparts et d'un arbre mort, renversé sur un jeune arbrisseau; il commençait à noircir et ses feuilles mourraient. Elle avait ajouté pour son confort un tronçon de bois, qui barrait le passage et emplissait les deux tiers de la petite clairière. Le sac de Chihiko, vide et grand ouvert dans un coin, montrait ses flancs vides, de vieux habits déchirés enfouis tout au fond; tandis que, le long de l'arbre mort, pendaient une couverture humide et une nippe sans nom dont mêmes les friperies ne voudraient pour un sous. Lorsque le regard noyé de la jeune fille s'arrêta sur le Kimono vert, soigneusement plié et serré dans ses bras, offert par l'homme aux Crapauds, elle eut une nouvelle crise de sanglots et tamponna un morceau de tissu déchiré sur sa bouche pour étouffer les légers cris qui lui échappaient. Et, pieds nus, sans songer à remettre ses sandales tombées, elle retourna guetter au travers des buissons, interrogeant les chemins, au loin.

-(Cette fois, je le fais. S'il repasse aujourd'hui, je lui demande! Rien ne me coûte d'essayer...)